CIEUX SAUVAGES
O cieux sauvages !
Pourquoi sans cesse changez-vous de visage ?
- Aux pleurs je prends son cristal,
Aux sourires mes rayons,
Mes gradins d’or sont le dédale
Où se promène la raison.
O cieux sauvages !
Pourquoi penchez-vous vos visages
Sur le monde des humains ?
Entre les hommes et vous qu’y a-t-il de commun ?
- Le temps est mon palais, l’infini mon royaume.
Lorsque lassé d’inter changer les mondes, ces fantômes,
Ivre de volupté en mon éternité,
Je regarde les hommes, curieux et amusé,
Je leur prête un instant mes trésors précieux
Et je me plais à voir étonnés, leurs grands yeux,
Je laisse ces enfants s’enivrer un moment
De l’infini dont ploie leur âme qui s’éprend.
Mais tandis que leurs mains en des gestes profanes
Fouillent avidement en mes coffres profonds
Un frisson d’inquiétude me vient de leurs cabales
Et raccourcit l’haleine de mon souffle fécond.
J’ai peur tout à coup
Cette pensée qui croît et bout.
J’ai peur de la voir égaler un moment
Ma grandeur immuable qui dédaigne le temps
Alors en hâte, fébrilement, le soir,
Je reprends mes joyaux et jette un grand drap noir
Sur mes coffres vernis dont les clés étincellent,
Et mon décor déjà change et se renouvelle
A l’insu de leur âme qui quelquefois chancelle
Mais bientôt se console et dans un rêve blond,
Fait et refait le monde, l’amour et l’illusion.
M. M.