20 septembre 1988.
De notre voyage à Chantourène, non loin de Digne …….
Seuls ont habité ma pensée deux destins exceptionnels : celui d’Alexandra David Neel et celui de Jean Giono, pressentis à travers ce qui leur a servi de repaire.
Celui d’Alexandra est niché dans un trou de verdure, non loin de Digne. On ne paie pas pour entrer dans ce lieu qu’elle a quitté au terme de ses 101 ans. On peut encore y voir, au dos du fauteuil d’osier, le trou où s’appuya, de jour comme de nuit, son dos cassé ; la petite table de fer surbaissée, accolée à la grande devenue incommode, le pot de fer de ses soupes, la malle d’osier de ses voyages à travers montagnes et déserts. Quinze ans, vingt ans d’errance à travers le monde, au Tibet surtout où, clandestine, elle a pénétré, le visage barbouillé de crasse pour être admise à deviner d’autres vies, d’autres langages, d’autres religions et peut-être une autre sagesse. Je ne veux pas savoir si elle l’a trouvée, mais cette persistance dans la quête me fascine ainsi que cet exceptionnel destin : une santé de fer, de l’or dans sa corbeille de mariage, une intelligence supérieure, un mari peu commun qui géra sa fortune et lui ficha la paix en y trouvant son compte
Une grande fille brune nous introduit dans un minuscule temple bouddhiste : une salle d’or et de coussins où sont entassés les trésors. C’est elle qui gère la mémoire d’Alexandra. Peut- faudra-t-il tirer un peu d’argent des quelques cartes, tissus, livres et bijoux rassemblés ici. Un Lama invisible vit encore dans cette maison. Par une porte entrouverte on aperçoit un chat, un bol par terre.
Non ce n’est pas encore un musée.
A Manosque nous avons trouvé la demeure de Jean Giono. Sa propre fille cadette nous tend la main, puis nous guide à travers une maison modeste, vers la chambre du premier étage encombrée de livres et de souvenirs. Lui n’a pas parcouru le monde. Il n’a voulu que cette Provence pour sienne, chaude, âpre, toute de lumière et d’incendie.
‘‘Incendie de forêt.’’ Giono, tu m’avais offert un bien joli texte autrefois quand j’avais eu à faire mes preuves d’enseignante. Mais que peux-tu faire maintenant de mon souvenir ému ? Merci quand même.
Depuis dix sept ans tes héritiers fouillent tes papiers inédits, donnent à voir tes petits porte-plume sergent major, les lettres noires de ton écriture soignée sur des feuillets ivoire. Six femmes t’ont servi : ton épouse, tes deux filles, ta mère, deux servantes. Tu les payais paraît-il , de contes et d’histoires fantastiques.
Voilà, tu n’étais peut-être qu’un vilain matcho, prisonnier du mirage de l’œuvre à accomplir, à la recherche des forces obscures de la terre primitive.
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2 commentaires:
De par les lectures j'imaginais Manosque comme une petite ville de rêve et je fus déçue. Peut-être n'ai-je pas trouvé le bon endroit ? Et pourtant j'apprécie Giono bien que ses écrits soient un peu rudes à lire. Bises et bon dimanche.
je pense que Giono peut : enchanter la vie - rendre intelligent
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