La Grèce.
Je n'ai pas vu l'Acropole, ni le Minotaure dans son labyrinthe, ni la Pythie au temple de Delphes.
Eubée ne sentait que le soleil chaud, le poisson frais, l'air léger ou le fromage de chèvre.
D'Athènes nous n'avons vu qu'un tassement de maisons blanches dans le lointain, depuis une artère périphérique où défilait un paysage mi-urbain, mi-industriel, sans caractère.
Le car nous emmena ensuite à travers une campagne presque pelée vers le port de Raffina. Là nous entassâmes nos bagages à l'arrière d'un petit "ferry" parmi les chèvres et les moutons aux odeurs puissantes.
Après une salade et des poissons frits nous embarquons pour deux heures vers Karystos, notre port d'arrivée. La mer est belle, le ciel bleu, la brise de mer fraîche sur le pont où je me réfugie parmi les cordages. La distance s'étire doucement entre nous et ceux que nous avons laissés là-bas, le cœur lourd d'angoisse et de souci. Je n'oublie pas : toutes ces voies sans issues quadrillent ma pensée avec obstination. Mon esprit est en cage et se heurte aux barreaux, mais après avoir débarqué, au détour d'une route débonnaire aux herbes naïves, surgit soudain un hôtel-asile frais, et je vois la mer.
La mer pour moi et pour une semaine entre les géraniums d'un vaste balcon. Elle est là bleue et blanche, sertie d'un peu de sable et de pierres douces. Elle sera là le matin pour mon premier regard, là pour les petits bateaux, là pour la cadence bruissante du flux et du reflux aux heures lentes de la nuit. Je suis satisfaite.
Et il y aura sur la trame de mon attente plein de petits morceaux de bonheurs : une robe légère dans le soleil, Pierre à mon bras quand il fait beau dans ses nerfs, le fouillis des boutiques à tout toucher ou à renifler : étoffes, fruits, épices, et l'agneau pendu ici, et l'âne aux légumes déambulant là, au gré des rues du petit matin. Pas d'apprêt pour le touriste. Ou si peu. Nous allons au hasard des chemins, vers les collines. Après les jardins de géraniums et de roses, toutes nos graminées sont là, toutes nos fleurs des champs, toutes celles des montagnes sitôt que le sentier se hausse. Mille étoiles, festons, clochettes blasonnent un coin de terre ou de pierre où dort le lézard vert et la gent serpentine. Mais chaque déambulation nous ramène inévitablement vers le port.
Le port centre de tout. Et le tout à portée de regard et de cœur.
Pour les yeux, les bateaux de couleur et leurs planches lavées, la corbeille aux poissons, les filets à sécher, le ferry attendant la next traversée, et la lumière infiniment recommencée.
Pour le cœur et le corps, les petits coins à boire sous les toiles colorées. Les vieux marins sont là à longueur de journée. Une fille à matelot s'ennuie. On s'assied pour le temps qu'on veut avec un grand verre d'eau, un petit café turc - non, grec - Sa boue me reste aux dents. Je préfère quand l'appétit s'éveille, le Ouzo de rigueur avec sa soucoupe surprise : quelques morceaux de pieuvre marinée, un toast de féta, du fromage ou du poisson grillé qu'accompagnent toujours l'olive et la tomate. Quand l'appétit se creuse, le tavernier nous hèle gentiment, sans insistance :
- Look, look...
Les gamelles sont là et vous pouvez choisir presque sans risque et sans péril le mijoti d'agneau et son huile dorée, la salade au fromage ou la brochette grillée. Retzina. Bien sûr. J'ai très vite accepté ce vin âpre au goût de résine, en raison de son amicale chaleur.
Mais quand vient le soir, je n'ai soif que de nouvelles.
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4 commentaires:
Tu me rappelles, dans une belle description, mon séjour en Grèce à Hydra. Non seulement c'est beau mais tout prête à la joie : cuisine, ambiance, musique vraiment on s'évade pleinement. Bises
Très joli tableau d'une femme en soucis dans un paysage au calme séculaire. "Toutes ces voies sans issues quadrillent ma pensée..."
J'aime beaucoup
quel superbe texte, où tout se voit, tout se hume, tout se touche, tout se sent...
Quel beau récit, ça me donne le goût de visiter la Grèce.
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