23.2.09

comment la violence vient aux enfants sur les bancs de l'école

Extrait de mes mémoires

"Dans la plus ingénieuse des compositions françaises il y avait toujours un "moins un" pour l'orthographe. Non pour des fautes de grammaire ou des mots difficiles, mais par une sorte de perfidie, des lettres s'acharnaient à disparaître ou à changer de place sans raison, des lettres sauteuses, en somme, et plus je les pourchassais et plus elles se dérobaient. Je finis par concevoir contre moi-même, une sorte de désespoir haineux et impuissant qui me faisait pleurer de rage le soir dans mon lit. Cela devint dramatique quand je dus céder ma première place à une nouvelle venue qui me supplanta bientôt dans l'estime de "La Demoiselle".
Je me demande si ce n'est pas de cette époque que date un fantasme resté bien net dans mon souvenir :
Le soir, avant de m'endormir, dans la liberté que nous octroient enfin le noir et le silence, je devenais l'actrice d'une scène incroyable. Les préalables étaient toujours les mêmes : j'avais devant moi quelqu'un de très méchant, coupable de fautes abominables dont j'ai oublié les détails et c'est à moi qu'il appartenait de punir. Je me livrais alors en imagination sur ce personnage qui devait expier jusqu'à la mort, à des supplices raffinés.

7 commentaires:

Brigetoun a dit…

ce qui prouve que c'était guérissable- pour lutter contre l'anarchie de mon orthographe la bonne soeur en cinquième me donnait deux notes dont une (dans mon seul cas) tenant compte des fautes, me faisait passer du petit peloton de tête à la dernière place. Le problème était que cela m'amusait (la violence c'était pour la famille, cette bonne soeur là n'avait pas d'importance, orgueilleuse que j'étais alors).
Avec la violence tu as surtout appris à te corriger, non ?

Anonyme a dit…

A chacun son remède. Chez moi, c'est la pirouette qui m'a sauvé :
Marre de ces mots sans erreur, de ces phrases sans pépin, des mets aseptisés, des fromages sans odeur...
Si je laisse des fautes dans mes écrits, c'est pour qu'on sache qu'ils sont "faits à la main".
Comme faisait autrefois l'artisan d'un buffet que l'on savait, aux écarts de l'outil, qu'il était bien à soi.
Amitiés à vous deux et à Pierre, à Fanny et aux autres

micheline a dit…

brigitte: pour (se)corriger il faut (s')aimer: pas d'importance la bonne soeur? ou aimable?
j'ai beaucoup appris en apprenant aux autres, inventé des petits trucs pour eux ; par exemple: un petit oiseau , doit avoir deux ailes pour voler en toute tranquillité!

anonyme,
j'aimerais bien connaître la main de l'artisan...j'ose deviner mais pourtant je ne sais rien : le buffet n'est pas signé.
un petit jocker s'il te plait..

Solange a dit…

Le malheur aujourd'hui, c'est que ce que vous faisiez le soir avant de dormir, ils le font au sortir de l'école et sans ménagement.

micheline a dit…

Solange, bon admettons, la violence qui m'habitait avait la même cause que celle qui habite certains jeunes qui la manifeste plus ouvertement aujourd'hui:
la croyance que ce qui importe c'est d'arriver le premier ,d'être la copie conforme de certains stéréotypes , comme l'orthographe qui comme on sait est la science des ânes!
ceux- pas tous- qui se rebellent plus ouvertement sont ceux à qui on impose une compétition sans espoir, des stéréotypes préfabriqués au service du capitalisme fou que nous voyons en train de broyer les plus faibles..
Braves gens écoutez le bruit de la rue ..aimez- les ces enfants là et montrez- leur qu'ils sont des humains comme les autres les autres.

vincent a dit…

Et je suis certain que le mercredi et samedi soir tu t'octroyais un moment d'oubli. Que tu oubliais le vieux cahier du soir où tu devais consigner une bonne portion d'exercices tristes et routiniers. Ce cahier devait être pour toi un instrument de persécution bigrement raffiné.
;o))

micheline a dit…

Vincent wouais! t'as tout compris.