18.2.05

sur le penchant des jours N ° 2 (suite)

Le jour est venu. La température est remontée en douce au-dessus de zéro. Il va pouvoir tailler ses rosiers, couper ces grandes branches baladeuses devant la fenêtre, comme abandonnées au vent d’hiver. Ça fera plus propre, plus convenable pour le sommeil hivernal. Elle est contente qu’il soit allé mettre de l’ordre sur le mur avant de partir. Elle hésite un moment avant de venir renouer une conversation avec elle-même, commencée la veille sur de vieilles feuilles jaunies d’anciens cahiers : elle a des pensées qui l’embarrassent mais qui lui tiennent à coeur .
Non, elle commence par faire la vaisselle par une sorte de méfiance qu’elle entretient aussi avec elle-même.
Maintenant, tout est à peu près en ordre. On a tiré hier deux cent vingt-sept bouteilles de cidre qui va se faire gentiment en leur absence, comme il pourra, dans la cave. J’espère qu’il sera bon cette année.
Elle jette un coup d’oeil par la fenêtre. Elle le voit emporter une grosse brassée de branches de rosier. Il a son vieil anorak bleu marine, son béret, sa grosse écharpe. Il va déposer son fagot sur le tas à brûler, dans le champ du gros Louis, nom qui lui est resté de son ancien propriétaire. Ça fera plus propre. La grosse volée des pigeons des voisins froutte au-dessus des pommiers.
J’avais pourtant bien dit que j’en garrotterais un. Mais non, tu n’aurais pas pu. Ils sont vivants. Un peu agaçant tout de même à salir notre toit, à tondre nos épinards.
Elle s’assoit à la table, retrouve les feuillets d’hier, sa vie parallèle d’où tombent les branches mortes de sa rumination mentale, des branches mortes mais aussi de très vivantes, abattues par les vents de Noël et du jour de l’an. Ça fait un bon feu, un grand feu même où rougeoient des tiges de volonté et d’espoir tenaces, d’interrogations sans réponse, de pernicieuses flammes d’amour, de doute et de rancoeur. Et sûrement un goût de cendre. Bon, elle a un peu dégorgé sa bile et ses amours. Elle a froid aux pieds. Le ciel est gris. Paul doit ranger ses outils. Elle range ses papiers et ses mots, ses pensées dans un drôle de nulle part.
Ils vont charger la voiture, fermer la maison, rejoindre la ville pour le reste de l’hiver.
En arrivant, elle téléphonera à Bruno. Il y avait quelque chose d’un peu figé hier soir, d’un peu caillé au bout du fil. Un court dialogue englué de précaution. Il a dit : « je rentre de Rochefort, vous revenez ? »
- oui, bientôt, tu as besoin de nous ?
- et toi ? Quand ? non. Bon, on verra. Tchao.
Ces glissades de langage, elle les connaît mais s’y habitue mal. A sa fille aussi elle téléphonera. Elle a encore froid aux pieds. Elle range un peu. Faire réchauffer le poisson d’hier, un peu de vinaigre sur les poireaux. On ne verra pas le soleil aujourd’hui mais il n’y a pas de brume - ça ira pour rouler. Il vaut mieux partir aujourd’hui, même si rien ne presse. Même si Bruno a dit j’ai encore des maths à réviser. Pour le français, quand tu voudras. Mais elle ne peut s’empêcher de croire que c’est urgent d’être près de lui, ne serait-ce que pour conforter sa volonté de mener à bien cette préparation de concours qu’il a entreprise pour améliorer sa situation à la SNCF. Et puisqu’il lui a demandé son aide.

1 commentaire:

Julie Kertesz - me - moi - jk a dit…

J'aime beaucoup tes entrées plein des sentiments : que tu sais écrire et exprimer et faire voir devant nos yeux !

Décides-toi, commence doucement, publier ton autobio dès le début, l'enfance, s'il te plais,