24.2.05

sur le penchant des jours N 5

Donc Miny était revenue avec la ferme conviction que ce serait le dernier Noël où elle prendrait quelque initiative de ce genre. Elle n’avait qu’une fille paillasson, un fils veule, enfermé dans de dissolvantes contradictions, tant pis, il faudrait bien se résoudre à ne pas les aimer si fort. En attendant, laisser quelques jours, quelques nuits passer afin que se gomment ces excessives douleurs, ces jugements excessifs.


Miny avait toujours été excessive, en décalage avec tout, pas comme les autres, lui avait dit un jour sa mère, non sans quelque indulgence. Ma petite mère, répétait-elle maintenant de plus en plus souvent. Un soupir à haute voix qu’elle évitait de justesse si une oreille indiscrète traînait à l’entour, une vraie respiration de tendresse enfantine, un appel au secours sans raison, sans écho possible, comme elle se laissait aller à dire de Paul, tout haut mais en aparté, il est con, à propos de petites choses sans importance : le lavabo rempli à ras bord et qui débordait au moindre mouvement, le frigo resté ouvert interminablement, son habitude de nier une évidente déplaisante, des petites choses sans conséquence qui vous agacent la vie, des reproches qui finissent par devenir des rituels stupides, sans entamer une vraie tendresse accumulée par la force des choses, le poids du temps vécu ensemble.

Elle lave la vaisselle. Il débarrasse la table. Elle lui met à chauffer son pyjama sur le radiateur. Il lui dépose son livre sur la tablette près de son lit. Tant de gestes qui dans leur chaude banalité rafistolent la machine quand elle s’enraye.

Ce qu’elle n’arrive pas à cerner, à éclairer, est cette boule de noir chagrin où sont enfermées des pensées vivantes, les questions, les schémas de réponses, des hypothèses, des plans de bataille, et la souffrance et pourtant ce petit contentement d’espérer, quand elle va se mettre au lit, qu’un poids va s’alléger puisqu’elle a rendez-vous avec elle-même, puisque ses enfants, elle les aime à jamais et qu’elle leur veut un bien qu’elle ignore encore, un bien énigmatique mais où elle a forcément quelque chose d’elle-même à inclure.

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