26.2.05

sur le penchant des jours N 6

Quand elle pourra, elle se laissera mourir tout doucement puisqu’une vie de mère, ce ne peut être qu’un cordon ombilical à couper sous peine de noirs forfaits. Pourquoi est-ce si long à venir ?

Elle finit par s’endormir, par entrer dans le monde des rêves qui lui révèlent des secrets, lui offrent des clés pour quelque paradis perdu, quelques violentes bouffées d’amour pur, comme elle n’en a jamais connu au grand jour, des tendresses érotiques à vous fondre l’âme et le corps, de lumineux symboles éclos de la fièvre et du sang :

« Un saut dans le vide, un enfant dans les bras, elle descend :-‘ ferme les yeux mon petit, c’est la forêt profonde qui va nous engloutir.’ Non, une toute petite clairière est là, toute nue, toute propre, un cheval nous attend. Voilà, il suffit d’écarter les jambes pour y tomber doucement à califourchon. » C’est tout. Une belle histoire. Mais souvent, ce sont des images qui s’effilochent au réveil, une débauche d’absurdités dont on ne peut extraire un petit brin de sens. Une cocasserie parfois, mi-figue mi-raisin : ‘ un plan de devoir, une structure de français mise à cuire dans une cocotte-minute, avec quelques pommes de terre autour !’ : Les deux nourritures ! pour son fils ! puisqu’il a décidé de préparer un concours et qu’il lui a demandé son aide.

Pourquoi a-t-on mis encore des bâtons dans les roues d’une machine qui commençait à rouler toute seule : un métier qu’il dominait grandement, des loisirs, des copains fidèles et sans histoires. Une petite amie.

Trop beau, trop simple. Il pouvait être beaucoup plus rentable, ses chefs l’avaient un peu poussé aux reins et il s’était laissé piéger. Mais non, c’était simplement pour voir, pour s’amuser, pour rire... faire plaisir à son père peut-être ..et sous-jacent sans doute, relever un défi, celui des ambitions perdues, des fausses routes amorcées,.

Collaborer avec sa mère, pourquoi pas ? On avait fait toujours cela dans le passé puisqu’elle avait été enseignante. A elle l’expression écrite, à lui les raisonnements mathématiques ou scientifiques où il était plus à l’aise. Miny ne demandait qu’à se laisser piéger aussi, qu’à lui offrir les nourritures jusqu’à ce qu’il puisse se passer d’elle, plus tard, plus tard...

Mais quand elle le vit s’engager dans le jeu de qui perd gagne, comme dans le passé, elle se défendit mal d’un malaise trop connu, elle retrouva ses irritations sournoises, ses incantations muettes ponctuées de paroles abruptes en face de ses dérobades à lui, de ses blocages, de ses persiflages, de ses provocations.

Ses parents, il aurait voulu qu’ils soient là sans être là, ne rien leur devoir de ce qu’ils lui offraient avec joie, n’être tenu par aucune discipline. Il oubliait les rendez-vous, perdait les papiers commencés, les documents, affichant une désinvolture péremptoire. Alors, elle l’avait injurié. Un gifle morale, de celles qu’elle n’avait peut-être pas su lui donner quand il était petit : tu n’es qu’un petit salopard prétentieux et stupide.
Alors, il l’avait regardée avec stupeur. Et il avait dit :
- Qu’est-ce que tu me fais ?
Et il était parti comme un somnambule.

Miny était restée sonnée, hébétée par les paroles qui lui étaient venues du fond de sa souffrance.
Du mal, vous vous faites du mal, avait dit Paul.
Comment ne pas se faire du mal quand les fils du donner et du recevoir s’embrouillent si fort dans la pelote aux dépits d’amour ?

Puis elle avait pleuré bien sûr et retourné toute la nuit les sempiternelles questions, affronté les réponses brandies par tous les experts en vérités cachées. Les parents, les mères sont les grands responsables, les grands coupables avec leur amour étouffoir, avec leurs désirs insensés, leurs projections de sottes ambitions, avec leurs désirs, leurs tyrannies d’amour. Elle lui avait bousillé la vie depuis le début. Une vraie femelle qui avait voulu avoir des petits pour se transmettre, pour se racheter à travers eux, pour conduire leur vie parce qu’elle avait mal conduit la sienne. Tout ce péremptoire des vérités psychanalytiques qu’elle n’arrêtait pas d’interroger sans arriver à démêler le faux du vrai.

Non, elle n’avait rien voulu pour lui, que respecter sa jeune liberté, que lui offrir les meilleures conditions de son épanouissement. Trop de laxisme alors ? Le mot aussi était à la mode, on se souvenait de mai 68. Il avait dix ans alors.

1 commentaire:

Julie Kertesz - me - moi - jk a dit…

C'est triste et ca prend à la gorge. Quand ? Pourquoi ?