29.1.09

mais où sont les neiges d'antan?

extrait de mon journal...

7 décembre 1991.

La dérive des sentiments.Claude Simon . (lire Yves Simon) merci à Jean Claude Lejeune qui m'a signalé cette erreur
................ce bouquin, avalé en deux jours.
Ravie à mon quotidien par cette surprenante jonglerie de mots…de mots traqués, débusqués, dans l’interstice desquels se glisse l’indicible, le malaise de nos destins inexpliqués, la mouvance des êtres désassemblés, en quête de…petits télescopages de lumière…la dérive des sentiments…oui comme un océan où flottent des algues vivantes et perverses, où prolifère l’humain dans un foisonnement de contradictions.
Nous ne connaissons que des apparences,…des visages, et rien du dedans, l’inconnaissable. Nous dérivons sans savoir. L’homme comme un fétu, ne donne à voir que vaguelettes sitôt évanouies. Mon fils et ses dérives, que je cherche, que je renie et combats, et que j’aime.
Des études qui resurgissent d’on ne sait où …du hasard, de la chance, a-t-il dit, de pouvoir recharger la charrette abandonnée, comme s’il y avait des cités à reconstruire un peu plus loin, sans y croire vraiment.
Et mon agacement de l’entre deux, de l’entre deux désirs : celui d’être soi-même et celui d’être un autre…et remâchée cette bouillie des désirs inachevés. On voudrait des certitudes et il n’y a que le doute. Du repos et il n’y a que du mouvant.
Tout cet effort énigmatique qui grince à chaque feuillet du lire…à chaque glissement de mots malades de leurs vieux participes du temps des écoles. Il est bien tard et le temps ne fait rien à l’affaire et l’on se prend quand même à croire le contraire. Un petit gène griffu rigole au long des jours. Je me rends, je l’entends. Je vais dormir. Il est bon de dormir. Il a fatigué ma peine. Arrête. Qu’on arrête la vrillante musique qui chauffe l’atmosphère.
Il faudrait dormir sur les rêves qui naissent sur les vents, qui dorment sur les vents et se réveillent à l’aube, tout remplis d’extravagants mensonges, d’urgences bienveillantes. Le soleil vient, qui malmène les grèves, chatouille leur mutisme, leurs sournoises stratégies. Une parcelle d’or va muter le vil plomb.
Mon fils indéfini, emplis mon devenir.
Non, rien que l’attente de pouvoir enfin finir.
Finir en replaçant dans l’armoire aux souvenirs le linge repassé et qui n’est pas usé. Plier et regarder. Regarder le point de croix comme faisait ma mère, au coin de nos torchons qui peuvent encore servir. Toucher la pile, y enclore la lavande en ses allégories…car c’est cela vieillir en paix, ne plus compter les heures, les perdre en regardant se lustrer les souvenirs. Sauvegarder la poussière qui dort au creux des draps. Savoir que tout n’est rien et que la porte est close.

Sauf pour ceux qui vont venir dans l’univers des choses, en l’enfer doucereux de ce que l’on a à faire, quand la griffure du sang vous bondit au visage…et qui charrie des âges l’ignoble apothéose de tous ceux qui vécurent avant nous pour offrir leur butin.
Frères humains qui après nous vivrez, délivrez-nous de la chaîne sans fin des énigmes qui barrent nos chemins

9 commentaires:

Brigetoun a dit…

tout bon, je trouve en survolant,parce que là il faut que je me décide à mettre carcasse dolente (elle est toujours à contre courant) sous la douche avant d'aller choisir avec qui je défile - je viendrai déguster plus tard

Gelzy a dit…

Quelle belle écriture Micheline ! Je la photocopie pour la regarder encore, la reprendre à plat sur ma table, sous mes yeux. Elle dit si bien pour moi, je la glisserai dans mes pages. Elle va accompagner ma journée sur la neige d'aujourd'hui, la belle neige à recommencer l'espérance et à unifier les bosses et les creux dans une même affection.

Solange a dit…

C'est une très beau texte, je l'ai relu 2 fois, je pense que je vais faire comme Gelzy me l'impromer.

Anonyme a dit…

Quel beau texte!
Tu écris bien, j'aimerai bien savoir en faire autant par moments.
Je te souhaite une bonne fin de journée
Bisous
Viviane
J'allais oublier : pas de dégâts important chez moi malgré un quartier dévastés! peut-être une compensation pour l'autre tempête où ce fut exactement le contraire, tout chez moi et bien peu chez mes voisins

Brigetoun a dit…

le gout des mots, de leur choix et de leur mise en place, avec le plus de précision possible pour dire, comme Simon qui a plus ou moins re-écrit toute sa vie le ^même livre ou Bergounioux passant quatre heures sur deux pages qu'il corrige quelque chose ensuite. Simplement savoir qu'être écrivain est une responsabilité, un travail à faire avec le plus de soin possible, un des derniers artisanats

micheline a dit…

Oui j'aime aussi avoir écrit cela: un moment privilégié quand la tension intérieure rencontre chez quelqu’un d’autre le langage prêt à dire le soi d'un instant
Il a suffi d'un nom chez Brigetoun : "Claude Simon" et je me suis souvenu de ce qui m’est encore sensible maintenant, dix huit ans après.

Responsabilité de l'écrivain?: les outils du langage longuement affutés, revisités par le souffle génial de sa vie intérieure.
Pas l’un sans l’autre.

vincent a dit…

c'est vrai qu'elle écrit bien.
j'en ai la preuve
et j'espère qu'elle va continuer

Anonyme a dit…

Bonsoir, je te fais un clin d'oeil amical en cette fin de mois! Pascal.

jean-claude a dit…

Pour tester notre connaissance? J'ai cherché partout ce livre de CLAUDE Simon. Il s'agit en fait de Yves Simon!!! :)