16.3.07

texte extrait de la dernière revue "La Faute à Rousseau"dont le thème principal était VIEILLIR

Bon anniversaire !

Par Philippe Lejeune

L’anniversaire, c’est un jour où l’on vieillit d’un an. On paie d’un seul coup les intérêts de 364 jours d’indolence. Il serait plus sage de vieillir à petit feu, de se mithridatiser, d’accepter que chaque jour soit un abîme…. mais la journée nous berce. A peine finie elle recommence. Les jours sont des petits bouts de chou aux noms familiers, lundi, jeudi, qui jouent au ballon dans la cour de récréation de la vie. Les mois, c’est une farandole mieux réglée, aux falbalas bigarrés, janvier, mai, septembre, ça tourne en rond dans la cour des grands, mais c’est fidèle au poste, même si l’on dit parfois, en grommelant : « il n’y a plus de saisons ». Les années tournent aussi, mais, chez nous, elles n’ont pas de nom, juste un chiffre, signe qu’elles ne reviendront jamais. L’année est une société anonyme à responsabilité limitée, qui fait régulièrement faillite. Heureux les peuples qui, par cycle de soixante ans, ont, comme en Chine, « l’année du chien vert » , « du coq noir », etc. chacun vieillit, mais dans une civilisation qui, elle ne vieillit pas. Tandis qu’avoir fixé au temps une origine, et compter, c’est entrer dans entrer dans l’irréversible. Ça tourne, mais c’est le compteur qui tourne.

L’anniversaire, c’est un jour où l’on vieillit tout seul. Les autres vous réconfortent, comme s’ils n’étaient pas dans le coup. A charge de revanche, évidemment. On s’échange, en guise de marche funèbre, des youyous, des apiberuf- détrouillous. Bien sûr, c’est agréable d’avoir, dans l’année, un jour à soi, pour se caler dans son berceau, se faire nurser et gaver de cadeaux. Ca fait tout de même un choc au passage des dizaines : maintenant « c’est la grande école » !
Mais à la Saint –Sylvestre, on se donne la main pour vieillir tous ensemble, aux douze coups de minuit. Hop ! Gloup ! Beurf ! et bonne année to you !

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