Cependant est-il possible d'accéder à une connaissance pleine et entière de soi ? Il est clair que les moyens que nous avons passés en revue permettent d'explorer notre intériorité, mais leur combinaison adroite peut-elle, seule, nous amener à la connaissance de l'ensemble de notre être ?
Les découvertes de la psychanalyse, et les travaux des différents philosophes que l'on peut qualifier de "précurseurs " de cette science, semblent prouver que non.
En effet, notre conscience ne serait qu'une partie de notre " moi " total, autrement dit, l'Homme est plus que la simple conscience qui semble a priori le diriger.
Rêves, actes manques, lapsus, névroses et psychoses diverses attestent l'existence d'un " moi " plus profond que notre " moi " pensant et organisateur de pensée, d'un inconscient formé de pensées refoulées par un " organe de censure " de notre conscience mais qui, parfois, remontent à la surface - et se traduisent par des " symptômes " parfois dangereux pour la personne.
Freud, le fondateur de la psychanalyse, affirme même dans sa Métapsychologie que " ce n'est qu'au prix d'une prétention intenable que l'on peut exiger que tout ce qui se produit dans le domaine psychique doive aussi être connu de la conscience. "
Autrement dit, la conscience ne représente qu'une infime partie de notre moi, et toute connaissance de ce que nous sommes vraiment est définitivement hors de notre portée.
La conscience ne serait qu'une île minuscule, perdue au milieu d'un immense océan de pulsions refoulées. Les habitants de l'île de Conscience seraient de malheureux sauvages, toujours le ventre vide, en même temps effrayés et attirés par l'étendue d'eau sans limites s'étalant autour de leur territoire. L'île de Conscience est régulièrement submergée par les vagues de l'inconscient, causant des dégâts considérables.
Les Consciencieux aimeraient découvrir le vaste monde, mais les misérables arbres aux branches tordues poussant sur le sol rocailleux de leur îlot ne peuvent suffire à la construction du navire de fort tonnage qui pourrait servir à leur expédition.
De plus, certains d'entre eux sont terrifiés par la Mer de l'Inconscience et par
les créatures qui en habitent les profondeurs.
De plus, il existe sur l'île de Conscience des terres en friches, inexplorées par ses habitants. Dans ses Nouveaux essais sur l'entendement humain, Leibniz montre qu' " il y a à tout moment une infinité de perceptions en nous, mais sans aperception et sans réflexion, [...] dont nous ne nous apercevons pas. "
II existe en effet des " degrés " dans l'échelle de la conscience : conscience en sommeil, conscience éveillée, conscience active, conscience absolue.
Il faut bien admettre que la plupart du temps, nous ne prenons pas la peine d'analyser tous les messages qui nous parviennent.
En passant d'un degré de conscience à un autre, nous éprouvons, en un court instant, la sensation d'un homme qui, après des années passées dan un cachot obscur, recouvre sa liberté et contemple à nouveau la lumière du jour. Cependant nous passons la plus grande partie
de notre vie dans la pénombre de notre conscience, nous ne prenons en compte, des sensations qui nous parviennent du monde extérieur, que celles qui s'imposent directement à nous avec force ; or, pour accéder à la pleine conscience de nous-mêmes et du monde extérieur, il faudrait réinvestir le terrain de notre entendement, et ramener vers la conscience tout ce qui nous parvient, ainsi que tout ce que nous avons en apparence oublié mais qui agit encore sur notre psychisme.
C'est un véritable travail de tous les instants, peut-être le véritable sens du mythe de Sisyphe.
Autrement, nous serions condamnés à mener une vie de fantômes, au milieu des ténèbres de l'absence de conscience. " Nous sommes des automates les trois quarts de notre vie ", disait Leibniz.
En effet, nous sommes le plus souvent guidés par nos habitudes, nos réflexes, notre éducation et nos sentiments inconscients que par notre véritable conscience.
Faut-il cependant, devant les faits mis en évidence par la psychanalyse, abandonner toute recherche de soi ?
Faut-il, au contraire, poursuivre l'entreprise commencée et aller toujours plus avant dans la recherche de la connaissance de soi ? Avons-nous les moyens d'explorer notre inconscient ?
S'il est fort improbable que nous puissions parvenir à une connaissance absolue de nous-mêmes - ce qui ferait de nous l'égal des " dieux " qu'évoque l'inscription du temple de Delphes -, nous pouvons tout de même accéder à une meilleure connaissance de nous-mêmes.
L'introspection nous permet de mettre de l'ordre dans nos sentiments, l'appel au regard de l'Autre nous donne une vision de nous-mêmes plus objective, la psychanalyse permet de faire remonter à la surface du conscient nos désirs secrets, le maintien en éveil de notre conscience agrandit notre entendement, et l'esprit d'autocritique assure la constance de nos recherches, indispensable dans la mesure où nous sommes des êtres de changement et où nous ne sommes plus les mêmes d'un moment de notre vie à un autre.
tp://lettresbacpro.free.fr/philo2.htm 15/01/2005
(à suivre)
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire