Menus Propos
(Mardi 20 Août 1929)
"J’ai pour voisins, pendant les vacances, deux gentils Stéphanois qui sont tout heureux d’avoir laissé un moment la ville et ses fumées pour venir respirer l’air vivifiant de la campagne. Du matin au soir, ils sont en mouvement : courses à bicyclette, excursions dans les bois, promenades le long de la rivière, tout les attire, tout les intéresse ; à ce régime, leurs muscles se fortifient et leurs joues prennent de belles couleurs rosées. Lorsqu’ils sont las, ils viennent parfois s’asseoir près de moi, et nous bavardons : causeries de vacances, sur des sujets légers et aussi peu ennuyeux que possible. D’accord tacite, nous avons banni les formules protocolaires : je tutoie mes petits amis qui, de leur côté, m’abordent sans façon, comme une connaissance très ancienne.
L’autre soir, ils arrivent près du banc où d’habitude nous nous asseyons. Justement, ce jour-là, j’étais resté au jardin où me retenait je ne sais quelle occupation urgente. Je ne pouvais voir mes deus aimable Gagas, mais je les entendais parler. Tout à coup, l’un dit à l’autre : « Tu n’as pas vu le vieux ? Savoir où il est passé ?.. »
Le vieux, c’était moi, à n’en pas douter. Je sentis comme un choc en dedans. Il était donc vrai que j’avais vieilli ; la pente étant presque insensible je ne m’étais pas aperçu que je descendais ; mes amis de Montaud, plus perspicaces que moi-même, m’ont fait apparaître la dure réalité : désormais je ne l’oublierai plus…
Le bon fabuliste, parlant des enfants, écrivait jadis : « cet âge est sans pitié ! » ce qui n’est pas toujours exact ; reconnaissons du moins que « cet âge » est sincère et qu’il exprime tout naturellement ce qu’il pense, jusqu’au jour où, au contact des hommes, il aura appris à feindre : en attendant, il lui arrive de dire ingénument des choses qui troublent et remuent, et ce n’est pas toujours l’âge mûr qui donne les leçons de sagesse."
(oncle Félix : il avait 65 ans)
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2 commentaires:
Et ça ne nous rajeunit pas...
Content quand même d'être encore là !
Bonne semaine, mon aînée. Ne nous en plaignons pas.
Les bourgeons de prunus qui commencent à éclater sont déjà ceux des fleurs, un nouveau printemps n'est plus très loin...
une expérience que, je crois, nous avons tous eu. Mais nous déjà, eux encire moins, ne pourrions écrire quelque chose d'aussi élégant que la phrase que j'aurais du noter, qui m'échappe, sur les rencontres dont tout formalisme est bani
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