20.3.05

sur le penchant des jours :suite du conte Coralline n 2

Pour l’instant elle lui prépare ses tartines et du bon chocolat fumant.

Et puis c’est plus fort qu’elle, elle retourne à ses œuvres secrètes, à ses manigances perverses. Avec sa chair, avec son sang, elle édifie des continents où il sera bien l’enfant. Il aura des mains douces lavées aux eaux des océans. Il les glissera dans les siennes pour l’emmener dans ses voyages, légère comme une aile, sans savoir que c’est sa mère et il sera tout content l’enfant. Il dira aux océans qu’il est né d’une pierre sous la mousse et qu’il n’a pas de parents. Il ramassera des coquillages pour faire des colliers mouvants. Il ne retournera pas au village.

Il voudrait décorer les nuages, y accrocher tout un train de cercueils volants pour faire joli dans ses souvenirs. Le premier contiendrait sa mère, le deuxième tous les pères sans enfants et puis les autres toutes les histoires de revenants.

Il a dormi dans les nuages, rêvé qu’il était une tige – liane aux nœuds coulissants, pour enserre l’amour qui va partout s’éparpillant ; un fil de cœur se dévidant à l’entour de tous les rêves pour en faire une pelote ronde, ronde comme une orange bleue.

La mère est revenue dans la cuisine. Elle a préparé des oranges avec du lait brûlant. Un petit garçon est arrivé, sans bruit par l’escalier. Ses yeux sont ronds pleins de sommeil. Il dit qu’il a déjà déjeuné d’un petit volcan de pommes de terre. Il rit en l’embrassant. Il dit qu’il a fait ses devoirs et qu’il va partir pour l’école.

En réalité il a fouillé toutes les armoires, bousculé toutes les fioles et les onguents, mélangé les ingrédients, déchiffré tous les grimoires, sorti les cris d’amour et de colère, déplié linceuls, dentelles et mirlitons, trouvé la clé du grand mystère dans le grenier où il est né. Il a fermé la porte à clé. Il donne la clé à sa mère . Il a le double dans sa poche. Dans le cœur quelque chose qu’on ne peut dire. La mère le regarde partir. Elle sourit. Elle range la nourriture. Elle retourne dans la rue. Elle serre dans sa main la petite clé du destin qui l’a faite mère .
Elle rencontre le monsieur noir qui sourit si gentiment. Il tient par la main un petit garçon tout pareil au sien.

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