13.11.05

délinquance ordinaire

Extrait d’une lettre à mes enfants

11 juillet 1993.Dammartin.

Nous avons été victimes, hier soir vers 20h.30, d’un braquage en règle.
Nous regardions la télé quand Pierre a aperçu un type passer devant les fenêtres du côté de la route. Il est allé ouvrir la porte pour voir qui c’était et a commencé à s’énerver un peu quand il a vu qu’une voiture était entrée en marche arrière après avoir enfoncé le portail :
- Qu’est-ce que c’est que ce travail-là ? Ça ne va pas ?
Alors il s’est fait coller au mur brutalement, d’où une égratignure au bras , tandis qu’un autre individu, resté dans la voiture est sorti armé et l’a fait rentrer dans la maison au moment où je m’avançais pour voir ce qui se passait.
- On veut de l’argent.
Pierre : Je n’en ai pas, Micheline téléphone aux flics.
Je m’approche du téléphone et me fait aussitôt neutraliser et ils arrachent le fil du téléphone.
Je dis : non on ne téléphone pas aux flics.
Le type armé mais pas cagoulé, la trentaine, assez corpulent, brun, teint mat, mais européen :
- Il nous faut au moins 500f.
je dis à Pierre :
- Donne 500 balles si tu les as.
Le deuxième individu, un grand mince, genre blond, même âge, suit Pierre dans la chambre et regarde avec lui dans son portefeuille : il y avait 300f.
- Il nous faut encore 200f.
Moi : tenez voilà mon sac à mains, je le retourne je n’avais que 300f. aussi , heureusement que je t’en avais donné un peu Céline - j’avais encore un billet de 200f. dans mon porte-cartes qu’on n’a pas vu . Mais ce n’était pas fini :
- Vous en avez bien ailleurs. . . et des bijoux. .
- Mais non, cherchez !
Alors le type au revolver nous a gardés pendant que l’autre fouillait partout mais sans nervosité ni agressivité et bien méthodiquement. On l’a vu après : tiroirs, armoires, chambres. Rien trouvé. J’avais mon médaillon en or caché sous mon pull et surtout une somme d’argent plus importante cachée dans l’endroit habituel comme on fait toujours en arrivant, heureusement que Pierre l’avait déjà mise en place !
Je nous voyais déjà ligotés sur une chaise avant leur départ, mais en réalité je n’ai pas paniqué apparemment j’étais très calme. J’ai parlé au type au revolver qui, entre temps s’était assis dans un fauteuil, moi à côté . Je lui ai dit : mais enfin qu’est-ce qui ne va pas ?
- Je sors de l’hôpital. . . ma femme m’a quitté. . .
- Et lui ? (l’autre )
- Pareil.
Je lui ai parlé de sa mère. . . qu’il pourrait être mon fils . . est-ce qu’il aimerait qu’on fasse çà à sa mère ?
- Non, je voudrais rester avec vous !
- Mais ce n’est pas possible mon garçon ! veux-tu que je t’embrasse ?
- Oui.
Et je l’ai fait. Il avait 400f. dans une main, son fling dans l’autre gantée. Le reste des billets étaient étalés sur la commode dans l’entrée car j’avais parlementé pour qu’ils mous laissent au moins de quoi manger ! l’autre type revenait, repartait toujours très calme et méthodique, réclamant les bijoux, de l’argent caché !
Puis celui qui tenait les 400f. parut avoir une hésitation. . – tenez, je vous les redonne. .
- Non dis-je, on partage.
- Alors je vous redois 100f. ?
- Non je te les donne de bon cœur.
J’étais surtout pressée qu’ils se barrent. Enfin il s’est levé mais a commencé à réclamer du café, puis de la menthe à l’eau. . . a aperçu la bouteille de Vichy à la cuisine.
Pierre : - je te paie un coup de cidre ?
Non pas d’alcool, je conduis !
Finalement il a bu deux verres de Vichy. L’autre ne disait plus un mot, ne faisait plus un geste puis il a demandé à monter en haut , mais précédé de nous deux Pierre et son copain armé a fouillé un peu la première chambre et s’est arrêté devant celle de Pascal devant l’étiquette de la porte : going at your own risk !
Enfin ils ont décidé de partir. On les a accompagnés jusqu'à la voiture . Allez, ai-je dit, ne faites pas les cons, vous allez vous retrouver en taule. Allez bouffer avec vos 400 balles. Ils sont partis.
Nous ont salués en disant: excusez-nous!

. . alors j’ai commencé à trembler dans tout mon corps. . . Pierre rouspétait pour le portail tout cintré. On se demandait s’il fallait téléphoner aux flics, le téléphone du sous-sol marchait encore, Pierre n’était pas tellement d’accord. J’ai fini par téléphoner à Pascal mais il n’était pas seul, je l’ai rassuré. Pierre a soigné son égratignure et a réparé le fil du téléphone. On était tout de même rassuré de s’en être tiré à si bon compte mais inutile de vous dire que je n’ai pu dormir que quelques heures avec un calmant. Le lendemain matin Pierre était tout blanc. On a téléphoné aux flics qui sont arrivés vers 9h1/2 et nous ont demandé pourquoi on les prévenait si tard. En réalité j’avais crains que, poursuivis, les types ne reviennent se réfugier ici et nous prennent en otage. La police avait déjà d’autres renseignements : la voiture avait été volée à Voulangis, près de Crécy. Les numéros qu’on avait relevés correspondaient.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est fou ce que tu nous racontes. Ou la façon dont tu le racontes. La délinquance, dans ce que les "infos" nous greffent dans la tête, c'est un monde à part. De voyous, de truants, de "racailles" selon le mot malheureux de Sarkozy. Tu nous dresses un portrait tellement différent que ça nous rappelle qu'avant de codamner (ou non), il faut déjà commencer par chercher le "pourquoi" des choses.

Anonyme a dit…

Ton fait est interessant et surtout la manière dont vous l'avez vécu. Je connais un peu le monde de la délinquance et je dis qu'il ne faut surtout pas généraliser. Il y a les victimes de la vie et puis les autres qui jouent aux caids. Les casseurs c'est de la violence-message, un langage comme un suicide. Un appel au secours, un ras de bol... Enfin nul ne détient la vérité car c'est une situation complexe qu'il faut étudier.

micheline a dit…

Mamounette,
tout à fait d'accord avec toi , la délinquance est complexe, même sans remonter à certaines racines importantes comme la drogue, l'alcoolisme, certaines maladies sexuelles...
ce que je voulais suggérer c'est que la peur, l'agressivité des aggressés (conditionnés par les médias ?) peuvent aussi déclencher des drames évitables, par un peu d'humanité aussi .
l'épisode des "chandeliers" dans les Misérables de V. Hugo, porte un message encore valable, non?

Anonyme a dit…

Pour cette agression, micheline , tu as fait preuve de courage, sang froid mais aussi d'une bonne part d'inconscience. Je peux de certifier que d'autres auraient fait ça, ils seraient à six pieds sous terre.
je t'admire.