10.9.06

CHÔMAGE

Une chose qui ne m’arrive pour ainsi dire jamais : rire à haute voix pour ne pas dire à gorge déployée, quand je suis seule et pour moi toute seule.
Cela m’est arrivé hier en lisant un bouquin. Non que le sujet ait été spécialement rigolo, mais voilà je n’ai pas arrêté de rire et même un peu tard dans le soir, pas encore endormie, contrairement à mon habitude mais j’étais au bord du sommeil quand Pierre est arrivé. Nous nous sommes dit bonsoir et me suis tournée vers le sombre pensant que j’allais bien dormir, détendue par ce rire qui m’avait fait du bien. Demain je serais en forme pour bien profiter de la suite. Des bonnes choses il faut en garder pour demain.

Savez-vous quoi ? je n’ai pas pu m’endormir et je me suis mise à écrire dans ma tête à la manière de cet abruti de chômeur qui racontait sa vie.
Je voyais bien tout, j’avais les mots, les phrases, demain j’écrirais, maintenant il fallait dormir mais je n’y suis pas arrivée, j’avais peur d’oublier, pas arrivée à faire confiance à ma mémoire.. Elle m’en avait déjà fait de ces tours, que de choses éblouissantes mes nuits m’avaient offertes ! et le lendemain pfuit ! plus rien ou presque , ce n’était plus que des petits boulots à temps très partiels que j’attrapais par la queue, au dessous de mes compétence ou de ce que j’en espérais .
Mon retraité de 50ans, lui, il avait encore le cran de refuser ces petits boulots indignes. Pas moi.
J’étais devenue chômeuse à temps complet, en retraite depuis plus de 30 ans. Lui c’était hier que ça lui était tombé dessus sans crier gare sur le coup de la cinquantaine, moi ça faisait une paye que j’étais au chômage sans que je m’en sois longtemps aperçue, installée subrepticement depuis des…décennies. D’abord la retraite, pour moi ça n’avait pas été le grand vide, la catastrophe oiseuse où planter des petites fleurs inutiles dans un jardin connu ou dans les cimetières, mais tout un avenir où tout ce que n’avais pas fait en travaillant allait pouvoir fleurir et prospérer.
D’abord lui mieux parler, lui expliquer, m’expliquer sur tout ce qui n’avait pas encore abouti faute de temps. On n’a pas toujours le temps de cultiver l’amour ou ce qui tendrement en tient lieu. J’ai mis les mots sur le papier pour être sûre que ce soit bien ça que je voulais dire sans me rendre compte que ce n’est pas avec des mots sur un papier qu’on fait ces choses là, ce qu’on avait acquis ça s’était fait sans les mots, en douce et qu’il y en avait déjà un bon et honnête paquet, mais qu’on ne pouvait guère faire plus. Bref j’écrivais pour moi pour mettre au point, seulement pour mettre au point, ne pas laisser échapper, entretenir mes articulations mentales, mettre en conserve un passé qui risquait de se dégrader, s’évanouir.
La retraite c’est aussi la retraite des neurones tout autant que des cellules musculaires. Dans le meilleur des cas ça ne se voit pas beaucoup, on roule sur l’acquis et c’est encore très utile on a des réserves de mots, de pensées qui peuvent encore servir, quelques réserves d’émotions vivantes

Un chômage invisible et grandement masqué par les soins aux parents finissants, aux petits enfants babillants, aux errances inutiles en terres trop longtemps étrangères.

Mais voilà hier j’ai trouvé un compagnon de route qui m’a fait rire.
Je crois qu’il me reste encore à mieux rire, toute seule.
.
Ce que j’ai oublié de dire c’est que et comme par hasard, dans le même temps, hier, quelqu’un m’a fait croire l’espace d’un mail venu du Canada, que je n’avais peut-être pas été si mal que je croyais et qu’il en restait quelque chose.

Il me reste encore à continuer le croire.

PS. Réf.lecture : « Les carnets de la déroute » premier roman de Michel Monnereau ( déc. 2005.)

5 commentaires:

marie.l a dit…

et ça fait du bien, même si parfois ça surprend ! bon dimanche Micheline

Anonyme a dit…

le chômage est quelque chose que je ne souhaite à personne...je ne l'ai jamais vécu mais si un jour ça devait arriver... je ne m'en remettrais pas... mes parents sont à la retraite et ils n'arrêtent pas de bosser ... ils essayer de faire marcher leurs neuronnes pour éviter que ça ne rouille... et l'informatique est un élément super dynamisant... Gros bisous micheline et bonne soirée.

Brigetoun a dit…

drôle comme on voudrait que le travail ne vous prenne pas trop et comme on découvre (je crois, j'ai eu de la chance, ou de l'humilité) avec son absence que, outre la déroute financière, on est amputé.
Drôlement bien écrit

Anonyme a dit…

bnsoir

la route est vaste sur le net

Monnereau a dit…

Merci pour votre texte, sur lequel je tombe par hasard.
Michel Monnereau